Jonathan Allard

Il y aura un NPD Québec

En réponse à l’article de Benjamin Dionne, Il n’y aura pas de NPD provincial, paru sur le blog du Jeune Insolent.


La Gauche Québecoise

Premièrement, la gauche au Québec n’est pas que purement souverainiste. À mesure que la question nationale vieillit, en effet, comme Benjamin dit, on retourne à l’axe traditionnel gauche-droite. En fait, quelqu’un qui a voté NPD au fédéral pourrait aussi bien le faire au provincial. Le NPD a déclaré en 2006, dans sa “fameuse” déclaration de Sherbrooke, qu’il reconnaîtrait un référendum oui à 50% plus un comme une majorité claire et suffisante. C’est une conviction personnelle un peu rare, mais le choix d’un gouvernement du Québec ne devrait pas nécessairement être “empoisonné” par la question nationale. Regardez la politique du parti vert en matière de souveraineté pour un exemple. Le NPD peut faire la même chose selon moi qu’au fédéral: former une coalition d’électeurs pragmatiques de centre-gauche, au delà de la question nationale.

Les gauches fédéralistes (on pense par exemple à l’ouest de l’île de Montréal) ne votent généralement pas pour QS ou PQ de peur d’avoir un référendum. Un référendum est quelque chose d’indésirable et de risqué pour eux, et juste d’en avoir un est un risque. D’ailleurs, les politiques de nationalisme exclusif des péquistes, je pense par exemple aux anglophones ici, ont l’effet d’une douche froide. Jetez un coup d’oeil aux résultats de la provinciale de 2008 dans Notre-Dame-de-Grâce: Libéraux 68%, Verts 14%. On cherchait désespérément à voter fédéraliste sans voter libéral.

Un paysage politique satisfaisant?

L’électorat québecois n’est pas satisfait du choix qu’on lui donne. Le paysage politique est loin d’être saturé, et justement, il y a un immense vide. Dans la campagne actuelle [2012], on n’exprime d’enthousiasme pour aucun des chefs, et on va “au moins pire.” C’est d’ailleurs pourquoi Legault et la CAQ ont reçu tant de support à leurs débuts, alors qu’on les voyait diriger un gouvernement majoritaire dans les sondages. Le vide avait été comblé avec quelque chose qui parlait au Québécois. Par contre, à mesure qu’on a connu Legault, l’enthousiasme s’est évanoui et nous a ramené au même état d’apathie qu’on était. Un nouveau parti est encore possible et désirable.

Un parti du Québec

La réalité de l’interne du NPD, depuis la vague orange, est que c’est devenu un parti avec une base très importante au Québec. 58% de ses députés sont Québecois, la base de membres est passée de 2 000 à 14 000 dans la dernière année. Le chef en est québécois, la directrice nationale adjointe, Chantal Vallerand, est québécoise, la présidente, Rebecca Blaikie s’est impliquée pendant des années dans l’aile du parti au Québec (alors dans des temps difficiles; elle avait notamment opposé Paul Martin dans Lasalle—Émard en 2004), et la vice-présidente se doit d’être francophone d’office (si la présidente ne l’est pas) et est actuellement une québécoise.

Le NPD est excessivement conscient qu’il doit sa position au Québec, et fera en sorte de le garder, et ça se ressent chez les membres et dans le parti, d’un océan à l’autre. On a besoin du Québec, on veut plaire au Québec, le Québec est la pierre d’assise du NPD.

Post scriptum (2014): En fait, au congrès de Vancouver en 2011, dans une séance de priorisation (rencontre secondaire), il est survenu un moment où on a manqué de dispositifs de traduction en direct alors que la séance se tenait en anglais. J’ai pu voir un chef adjoint Thomas Mulcair indigné, soulever un point de privilège au fait qu’il était inacceptable que des gens ne puissent pas pleinement participer en français. À Vancouver. L’opinion a fait consensus, et la séance a été suspendue jusqu’à ce que les dispositifs soient disponibles.

La grande tente

Je sais que ça pourra irriter certains solidaires, péquistes, option-nationalistes (?), qui perdront des votes des leurs, et même libéraux et caquistes, qui comptent sur la division de la gauche, en fait tout le monde, de voir la gauche former une telle coalition. Mais coudonc, travaillons ensemble.

Là est le pari: le NPD, en créant un parti provincial, gage qu’il peut unir les fédéralistes et souverainistes pragmatiques sous la tente de centre-gauche fédéraliste, au provincial comme on l’a fait au fédéral. Qu’une option fédéraliste de centre-gauche est possible en politique Québécoise. Pour une fois, on ne serait pas pris entre voter pour gouverner sur un référendum et basher les anglophones, et on ne voterait pas pour un gouvernement de droite à la Charest/Legault. Parlez-moi de quelque chose d’inspirant!


(Correction: L’article faisait initialement référence à la “directrice nationale Chantal Vallerand”. J’avais confondu la directrice nationale intérimaire et maintenant directrice adjointe Chantal Vallerand avec le directeur national actuel Nathan Rotman. Celle-ci occupait la direction pendant la course à la chefferie, celle-ci se devant de rester neutre.)

Divulgation

Pour les intéressés, au moment d’écrire ces lignes, je suis vice-président des communications chez les Jeunes néodémocrates du Québec. (Je suis aussi allé au secondaire avec Benjamin et ai eu le député péquiste sortant Gilles Robert dans Saint-Jérôme comme prof d’histoire) Vous me verrez peut-être partisan, mais j’ai tenté de demeurer objectif dans mon analyse. L’opinion que je partage est la mienne et non celle du parti.